La radioactivité naturelle 4  
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Au cours de sa thèse, Marie Curie observe que deux minéraux à base d’uranium, la pechblende* et la chalcolite*, apparaissent plus radioactifs que l’uranium* lui-même, ce qui est surprenant. Pour s’en assurer, après contrôle des appareils, elle synthétise une chalcolite à partir de l’uranium. Le fait que cette dernière ne présente aucune activité anormale par rapport à l’uranium emporte sa conviction. Elle rassemble ses observations dans une note à l’Académie des sciences en avril 1898. Soulignant l’activité excessive de ces minéraux, elle conclut : « ce fait est très remarquable et porte à croire que ces minéraux peuvent contenir un élément beaucoup plus actif que l’uranium. »

Pierre suit de près le travail de Marie. Dès le 18 mars 1898, il abandonne ses propres recherches et joint ses efforts à ceux de sa femme pour vérifier l’hypothèse qu’elle a énoncée.

La recherche de la substance inconnue se révèle difficile car le nouvel élément recherché dans la pechblende est présent en quantité beaucoup plus faible que ce que le jeune couple a imaginé : sa proportion s’avéra être inférieure au millionième ! La méthode suivie est toute nouvelle : les séparations sont effectuées par les moyens ordinaires de la chimie, mais on mesure après chaque séparation la radioactivité des produits séparés : on repère, par son rayonnement, le radioélément* recherché ce qui indique la marche à suivre. Les deux scientifiques reconnaissent ainsi les caractéristiques chimiques de l’élément inconnu ; à mesure que progresse la séparation, celui-ci se concentre dans des résidus de plus en plus radioactifs. Durant tout ce travail et pour les mesures physiques, Pierre et Marie sont aidés par Gustave Bémont, chef de travaux de chimie à l’Ecole.

A partir d’une pechblende deux fois et demie plus active que l’uranium, ils obtiennent finalement une substance dont l’activité est 400 fois plus grande ; elle est pourtant loin d’être pure. Il est clair qu’il s’agit d’un nouveau métal dont les propriétés analytiques sont voisines de celle du bismuth*. Ils annoncent leur découverte dans une note du 18 juillet 1898 et appellent «  polonium* » le nouvel élément, du nom du pays d’origine de Marie.

Ils reprennent le travail en novembre. Pierre et Marie Curie vont alors découvrir une deuxième substance radioactive, présente en quantité minime dans la pechblende. Elle est entièrement différente de la première ; ses propriétés chimiques sont très proches de celles du baryum*. Ils la séparent progressivement du baryum – toujours avec Gustave Bémont – par une succession de cristallisations fractionnées conduisant à des chlorures de plus en plus actifs ; ils obtiennent ainsi un produit 900 fois plus actif que l’uranium.

Analysant le spectre* de la lumière émise par la substance, le physicien Eugène Demarçay* observe une raie dans l’ultraviolet* proche. Cette raie est la manifestation d’un élément chimique inconnu. Ce sera le radium*. La raie devient de plus en plus intense à mesure que le radioactivité du chlorure croît : « La nouvelle substance radioactive renferme certainement encore une très forte proportion de baryum ; malgré cela, la radioactivité est considérable. La radioactivité du radium doit donc être énorme. »
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