La découverte en
novembre 1898 du
radium*
après le
polonium*
apporte un outil extraordinaire pour explorer
l’
atome*
: des sources radioactives. Les nouveaux éléments, isolés en quantités infimes, sont des sources de rayonnements autrement plus intenses que les minerais de
pechblende*
à base d’
uranium*.
On ignore en 1898 à peu près tout de la nature et de l’origine des nouveaux rayonnements. Sur l’atome on ne sait pas grand chose. On ne soupçonne pas qu’il possède un noyau. On connaît tout juste l’électron découvert un an plus tôt par
J.J. Thomson* en Angleterre.
Marie et Pierre Curie sont les premiers à disposer de ces sources. A l’étranger, l’usage s’en répand, en Allemagne, en Autriche,
en Angleterre où un jeune physicien arrivé de Nouvelle Zélande, Ernest
Rutherford*
fait ses premiers pas. On assiste en quelques années à une explosion des recherches qui culmineront par la découverte du
noyau*
de l’atome en 1911 par Rutherford et deux de ses élèves.
Pierre et Marie Curie ont découvert, en novembre 1899, une nouvelle propriété singulière du radium. Des plaques de zinc, d’aluminium,
de plomb ou même une feuille de papier séjournant pendant quelques temps au voisinage d’une source intense de sel de radium deviennent
radioactives. Cette radioactivité induite semble provoquée par les rayonnements de la source et décroît quand on la retire.
Dans ce climat de bouillonnement intellectuel, les physiciens
ont entre temps établi que les rayonnements émis sont de trois
types :
alpha*,
bêta*
et
gamma*.
Les rayons alpha seront identifiés par Ernest Rutherford à des
noyaux d'
hélium*
et les rayons bêta à des
électrons*,
et les rayons gamma, par
Paul Villard*, à des
photons*
de grande énergie et de même nature que les
rayons X*.
En 1900, Rutherford observe à son tour un changement de nature
chimique dans la
désintégration*
du
thorium*
: le thorium métallique devient un gaz lui-même radioactif. Rutherford
recueille un peu de gaz dans une éprouvette et observe une émanation
radioactive. Peu après en 1901, il montre, avec son élève
Frédéric
Soddy*, que l'émission de rayonnements alpha et bêta accompagne
la transformation d’atomes. En même temps qu'il prouve la validité
de l'hypothèse atomique, jusque-là l'objet d'âpres controverses,
il jette à bas un des dogmes les plus fondamentaux de la physique
d'alors : l'immuabilité de la matière et de ses atomes. Soddy
raconta comment, alors qu'il avait prononcé le mot
transmutation*
sous le coup de l'exultation, Rutherford lui répondit : « Pour
l'amour du ciel, ne prononcez pas ce mot. On va vouloir nos têtes
en nous traitant d'alchimistes ».
Soddy, qui était chimiste, montre que des atomes différents, des
isotopes*,
ont les mêmes propriétés chimiques. Plus tard, en 1913,
Georg
Hévesy* aura l’idée d’utiliser les isotopes radioactifs comme
traceurs*,
bien avant la découverte de la
radioactivité artificielle*.
Chaque année apporte son lot de connaissances. On apprend en 1902 comment la
radioactivité*
diminue avec le temps. Les expériences sont contradictoires, jusqu’à ce que Rutherford établisse que, phénomène aléatoire, la radioactivité est gouvernée par une loi de décroissance exponentielle, caractérisée
par une
période*, chaque élément ayant sa période propre.