La radioactivité naturelle 4  
8  

Vers 1900, les découvertes d’éléments radioactifs se multiplient. Le nombre de nouveaux éléments en vient à dépasser le nombre de cases encore libres dans la table de Mendeleiev*, une contradiction qui sera levée avec l’introduction de la notion isotopes* par Frédéric Soddy*.

Pour convaincre les chimistes incrédules, Marie et Pierre doivent séparer un des nouveaux éléments en quantité pondérable. Au bout d’un an, ils se rendent compte que leurs efforts doivent porter sur le radium* : il y a plus de radium que de polonium* au sein des minerais. Par ailleurs c’est un élément alcalino-terreux et sa chimie est plus simple. Pour isoler le radium et en déterminer ensuite toutes les caractéristiques, en particulier la masse atomique*, ils ont besoin de beaucoup de matière première : 2,8 tonnes d’ uranium* ne contiennent qu’un gramme de radium !

C’était des teneurs indécelables par des méthodes chimiques classiques. La mesure du rayonnement de l’élément radioactif lui-même guida les séparations chimiques effectuées pour le concentrer. La découverte de cette nouvelle méthode d’analyse chimique adaptée à des échelles de dilution extrêmes a donné naissance à la radiochimie* et ouvert la voie à la découverte de la méthode des indicateurs.

Pierre continue les recherches sur les propriétés du radium, tandis que Marie poursuit son travail de séparation du radium. La séparation implique le traitement de tonnes de minerai d’uranium dans le hangar de la rue Lhomond. Un travail épuisant ! Marie Curie s’est fixée comme objectif, de mesurer la masse atomique du radium et, pour cela, s’efforce d’enrichir toujours d’avantage le chlorure de baryum radifère* en chlorure de radium. La radioactivité* du produit obtenu et l’intensité relative de la raie spectrale du radium* – toujours mesurée par Eugène Demarçay* - lui servent de guide. En 1902, enfin, après une dernière purification, Marie Curie obtient environ un décigramme de chlorure de radium pur. Eugène Demarçay estime que ce produit ne contient qu’une « quantité minime de baryum, incapable d’influer d’une façon appréciable sur le poids atomique ». Marie dose alors, à l’état de chlorure d’argent, le chlore contenu dans une masse connue de chlorure de radium ; elle obtient par différence une masse atomique du radium de 225 ± 1 (la valeur admise aujourd’hui est de 226). Elle range le radium dans une case inoccupée du tableau de Mendeleïev comme homologue du baryum. En 1910, avec André Debierne, elle obtient du radium métal.

Pour ses travaux, Marie sera récompensée en 1911 d’un second prix Nobel, de chimie cette fois, après le prix Nobel de Physique reçu en 1903 conjointement avec Pierre Curie et Henri Becquerel* pour la découverte de la radioactivité. Durant toutes ces manipulations de matières de plus en plus radioactives, elle s’exposa gravement aux radiations, sans les précautions qui sont d’usage aujourd’hui. Consciente une des premières des dangers des rayons, elle fut une des premières à le payer de sa santé.
 Imprimer
 Laboratoire
 Bibliothèque