Vers la radioactivité artificielle

L’industriel belge Ernest Solvay (1838 – 1922) était passionné de sciences. Il avait pris l’habitude de réunir chaque année à partir de 1911 des savants autour de sa personne.

Les conseils de physique et de chimie Solvay sont restés célèbres car ils rassemblèrent les plus grands noms de la physique et de la chimie de la première moitié du 20ème siècle.

Marie Curie est une des figures centrales de ces conseils auxquels elle participe assidûment depuis l’origine jusqu’à sa mort. La photographie du premier conseil la montre pensive au premier rang à côté d’Ernest Solvay et du mathématicien Henri Poincaré*. Non loin d’elle Albert Einstein*, jeune, et la haute silhouette de Rutherford*. Elle est la seule femme, avant que Lise Meitner*, une jeune physicienne autrichienne, vienne la rejoindre.
Conseil de physique Solvay, Bruxelles 1911.
© Photo Couprie, Bruxelles.
Institut international de physique Solvay, septième conseil de physique - Bruxelles, 22-29 Octobre 1933.

La grande guerre interrompt les conseils. Quand ils reprennent en 1921, l’assistance est plus nombreuse. De nouveaux visages, comme Niels Bohr*, remplacent les disparus. La communauté des physiciens a vite réintégré les collègues qui appartenaient aux nations vaincues.

Marie est encore là à Bruxelles, en octobre 1933, lors du septième conseil de physique Solvay présidé par Paul Langevin* et intitulé « Structure et propriétés des noyaux atomiques ».

De nombreuses expérience et discussions portent sur la production des neutrons* découverts par James Chadwick* l'année précédente. Werner Heisenberg* présente dans un rapport l’image du noyau* moderne composé de protons* et de neutrons* étroitement liés.

L’électron positif*prédit par Paul Dirac en 1928 est aussi en vedette, il a été observé en 1932 dans le rayonnement cosmique par l’américain Carl Anderson*, à l’aide d’une chambre de Wilson*. Cette découverte a été confirmée en Angleterre par P. Blackett et G. Occhialini.

Irène* et Frédéric Joliot Curie* présentent les résultats de leurs expériences. Etudiant les transmutations nucléaires provoquées par les rayons alpha* du polonium* bombardant diverses cibles légères, notamment d’aluminium, ils observent à la fois l’émission de neutrons et d’électrons positifs ! Selon eux, ces derniers seraient des électrons positifs de « transmutation* ».
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Une controverse

Les résultats des Joliot-Curie présentés au septième conseil Solvay sont très controversés. Lise Meitner dit ne pas avoir observé de neutrons. Elle enverra en décembre une note de rectification, après avoir refait de nouvelles expériences.

A l’issue de la séance, écrira plus tard Frédéric, « nous étions assez désolés mais à ce moment, le professeur Niels Bohr nous prit à part ma femme et moi, pour nous dire qu’il trouvait nos résultats très importants. Pauli, un peu après, nous apporta le même encouragement. […] C’est sans doute l’incrédulité des physiciens sur les premiers résultats que nous avions annoncés alors qui nous a permis de travailler sans concurrence pendant les trois mois qui suivirent ».