Vers la radioactivité artificielle
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La radioactivité* a ouvert la voie à l’exploration de l’atome* et à la découverte de son noyau*. Les outils de cette exploration furent les sources de radium* et de polonium*. Grâce à Pierre et Marie Curie, les physiciens disposaient avec ces sources de particules alpha*, de projectiles d’énergie inaccessibles jusqu’alors, capables de pénétrer au cœur de l’atome. On imaginait alors l’atome plein et ce fut une grande surprise de découvrir qu’il était surtout composé de vide et que toute sa masse ou presque se trouvait concentrée dans un minuscule noyau.

C’est en 1911 que Rutherford* et deux de ses élèves Geiger* et Marsden découvrent le noyau. Depuis 1996, durant 15 années, les physiciens, comme des explorateurs débarquant dans un monde inconnu, ont moissonné des découvertes. La liste est impressionnante : la séparation du radium, l’identification des rayons alpha, bêta* et gamma*, les lois de décroissance radioactive, les isotopes*, les transmutations* d’atomes, les filiations radioactives* sans oublier l’équivalence masse énergie d’Einstein* et la théorie des quanta de Max Planck*.

Dans les 20 années qui suivent l’expérience de Rutherford, se construit, par une suite de développements théoriques et de découvertes, l’image moderne de l’atome. En 1913, Niels Bohr* propose son modèle en couches de l’atome.

En 1919, Rutherford découvre les « transmutations » ou réactions nucléaires et évoque dans une conférence l’hypothèse que le noyau pourrait contenir des particules neutres à côté des protons*. James Chadwick* s’en souviendra en 1932 quand il découvre le neutron*. Le premier pas vers la découverte du neutron est effectué fin 1930 par deux physiciens allemands, W. Bothe et H. Becker, qui observent un rayonnement très pénétrant émis par certains éléments légers bombardés par les rayons alpha. En janvier 1932, Frédéric* et Irène Joliot-Curie* montrent que ce rayonnement possède la propriété de projeter des protons hors d’ une substance hydrogénée. Reprenant ces expériences, James Chadwick démontre qu’il est constitué de particules neutres de masse voisine du proton.

L’effet Compton, le mode d’interaction privilégié des photons gamma* avec les électrons*, est découvert en 1923. En 1928, George Gamov parvient à expliquer la radioactivité alpha* grâce à l’utilisation de la mécanique quantique (c’est l’effet tunnel). A l’Institut du Radium, S. Rosemblum découvre en 1929 la structure fine des rayons alpha*, qui reflète l’existence de niveaux excités dans les noyaux. L’électron positif est découvert en 1932 par Carl Anderson* . Cette découverte est suivie en 1933 par celle de la « matérialisation » de photons gamma* en paires d’électrons négatifs et positifs.

Dans les premiers jours de l'année 1934, Frédéric et Irène Joliot-Curie annoncent dans une note à l'Académie des Sciences qu'ils ont fabriqué un atome radioactif qui n'existe pas dans la nature. Ce sera la découverte de la radioactivité artificielle*, souvent considérée comme une des découvertes majeures du siècle en raison des progrès qu’elle a apporté dans les sciences du vivant et en médecine.

Frédéric Joliot et Irène Curie
C’est au début de 1921, qu'Irène Curie entreprend son premier travail scientifique à l’Institut du Radium. Plusieurs de ses premières expériences sont consacrées à l’étude des rayons alpha du polonium. Irène a besoin à intervalles répétés de sources importantes de polonium et contribue donc au développement des procédés de séparation, de purification et de mesure des corps. Elle utilise en particulier des chambres de Wilson* (ou chambres à brouillard) et des chambres d’ionisation*.

Entré à l’Institut du Radium en tant que préparateur particulier de Marie Curie, Frédéric Joliot se familiarise, dés décembre 1924, avec la radioactivité et les techniques expérimentales du laboratoire. Il rencontre les autres chercheurs ; il fait la connaissance du chef d’atelier, du souffleur de verre, apprend leurs tours de main et s’initie à la chimie des substances radioactives. Irène est chargée de le piloter et de l’informer des travaux en cours. C’est ainsi qu’ils font connaissance. Ils se marieront en 1926. Au printemps 1928, Frédéric et Irène réalisent leur première expérience en commun. Ils signent leur publication « Irène Curie et Frédéric Joliot » : Irène signera toujours ses articles scientifiques de son nom de jeune fille, ayant commencé ainsi avant son mariage.



Irène Curie, vers 1920, préparant une source radioactive.
© A.C.J.C Fonds Curie et Joliot-Curie.



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